Le concept de jumelage trouve son origine dans les années 1960 avec le programme spatial Apollo. Il a démontré toute sa valeur un jour d’avril 1970, alors que les ingénieurs de la NASA tentaient de sauver les astronautes de la mission Apollo 13, dont la fusée Saturn V venait de voir ses réservoirs d’oxygène exploser en vol, à plus de 300 000 km de la Terre. Pendant que les astronautes dormaient dans le module lunaire, le module de commande a dû être mis hors tension pour préserver les batteries. Les ingénieurs ont donc utilisé, avec le succès que l’on sait, l’équivalent d’un jumeau du système électrique du module de commande, initialement destiné à la formation, pour concevoir une stratégie permettant d’alimenter l’engin spatial gelé, sans épuiser le peu d’énergie qui restait. Le jumeau numérique n’est donc pas nouveau, mais il reste une technologie mal comprise et trop souvent confondue avec la modélisation. Comprendre la différence entre les deux est clé pour appréhender son utilisation.
D’Apollo 13 à Flight Simulator 2020
Le jeu Flight Simulator 2020 de Microsoft est un bon exemple de distinction entre un modèle et un Digital Twin. Les avions de Flight Simulator sont des modèles. Ils reproduisent de façon très détaillée les caractéristiques d’un appareil spécifique. Néanmoins, en faisant influer les conditions météorologiques en provenance du monde réel, comme la vitesse du vent, la température, l’humidité, la pression atmosphérique, la neige, ou encore la pluie, sur le comportement de l’appareil, Microsoft crée alors un jumeau numérique. Un jumeau limité certes, qui ne prend pas en compte l’état de santé du moteur ou les sollicitations répétées qui peuvent entraîner une défaillance de l’aile, du système électrique ou d’autres composants de l’avion, mais suffisant dans le cadre d’un jeu vidéo. Dans un contexte d’entreprise, les attentes peuvent toutefois être plus poussées.
Pour créer un jumeau numérique efficace, il est important de convenir d’abord du problème à résoudre et de la précision attendue des prévisions. La définition de l’objectif déterminera les données et les capteurs nécessaires pour atteindre la valeur prédictive souhaitée. Si l’objectif est d’allonger la durée de vie d’un avion, pour rester dans le thème aéronautique, alors la maintenance prédictive nécessitera non seulement une simulation précise du moteur et de ses pièces, mais également des données issues des registres de maintenance et un descriptif détaillé des conditions de vol dans lesquelles il a été utilisé. Si la raison d’être du jumeau est de comprendre les implications du vol de nuit dans des conditions météorologiques défavorables, un système comme Flight Simulator peut être suffisant.
Jumeler des villes entières ou des organes
Ces réflexions sont aujourd’hui menées dans les salles de réunions de nombreuses industries. Jusqu’à récemment, le coût prohibitif des jumeaux numériques les cantonnait aux usines de fabrication, où seuls des actifs extrêmement couteux ou critiques pour l’activité pouvaient prétendre avoir leur jumeau. La démocratisation à la fois de la puissance de calcul, des capteurs numériques (IoT), des algorithmes de Machine Learning et d’Intelligence Artificielle ont aujourd’hui largement fait baisser le ticket d’entrée. Le jumelage numérique réussi d’un moteur, d’un avion ou de tout autre actif n’est plus nécessairement le bout du chemin. Les progrès de l’edge computing, des traitement in-memory, de la conteneurisation des applications ou encore des technologies réseaux comme la 5G, rendent possibles de nouvelles interconnexions entre ces jumeaux. Aujourd’hui, des entreprises peuvent jumeler des lignes de fabrication entières ou des chaînes d’approvisionnement complètes. Les jumeaux numériques deviennent des outils centraux de transformation dans un grand nombre de secteurs. Et ils deviennent même indispensables pour rester compétitif, et permettre de tester de façon efficace et rapide des milliers de combinaisons pour prendre les bonnes décisions dans le monde réel, comme c’est le cas notamment chez McLaren, qui doit pouvoir adapter ses pièces dans des cycles de 20 minutes, et sa stratégie de course en temps réelle pour gagner les 4% de marge nécessaire pour être (ou pas) sur le podium.
Dans le développement des « Smart Cities », Singapour par exemple a créé un jumeau numérique complet de la cité-Etat pour suivre le trafic, la pollution, le climat ou différents aménagements, afin que les gestionnaires puissent tester les options d’accessibilité, voir l’impact potentiel des nouvelles constructions, gérer les interventions d’urgence et surveiller la santé générale de la ville. Autre exemple : dans le monde de la santé, les médecins créent des jumeaux numériques des poumons de patients pour prendre de meilleures décisions sur l’utilisation des respirateurs dans le traitement du COVID-19.
Grâce à tous ces nouveaux cas d’usage potentiels, le marché des jumeaux numériques devrait croître rapidement au cours des prochaines années. Le marché était évalué à 3,1 milliards de dollars en 2020, mais devrait atteindre 48,2 milliards de dollars d’ici 2026. D’autant que de nouveaux standards, comme les principes Gemini ou la norme ISO / DIS 23247 permettront de garantir la compatibilité, la sécurité et l’évolutivité des nouvelles applications de jumeaux numériques. En tant que membre fondateur du Digital Twin Consortium, Dell Technologies s’est engagé à assurer la cohérence de l’architecture, de la sécurité et de l’interopérabilité des technologies de jumeaux numériques, afin de favoriser l’adoption dans une multitude de secteurs et permettre à un maximum d’organisation d’en exploiter les avantages.
En savoir plus :
- https://blog.digitaltwinconsortium.org/
- https://www.delltechnologies.com/en-us/perspectives/the-future-of-digital-twins/
- https://www.delltechnologies.com/en-us/blog/what-defines-digital-twin-understanding-core-architectural-tenets/
- https://www.brighttalk.com/webcast/18347/465956?utm_campaign=user_channel_subscribe&utm_medium=email&utm_source=brighttalk-transact&utm_content=title